La littérature fourmille de béquillards et de paralytiques, d’échassiers et d’equipedes de toutes sortes. La boiterie est infirmité physique et mentale. Le péché originel ne marque-t-il pas toute la descendance de la Femme par une morsure au talon ? C’est en effet le plus souvent une malédiction atavique qui est à l’origine des déséquilibres ambulatoires, comme dans le cas d’Héphaïstos ou d’Œdipe. Le génie analogique du Moyen Âge confondra non seulement Œdipe et Judas, mais reliera également par une commune claudication Jacob, Saül et Salomon et jusqu’au juif errant, errant comme l’a été son premier ancêtre, Caïn ; les deux doivent boiter durement à force de marcher. Il se trouve que la tradition a fait de l’un un forgeron et de l’autre un cordonnier. Tout part du pied, tout ramène au pied et nous parle d’enjeux d’une poétique gravité dont les enfants, qui jouent à cloche-pied pour aller de l’Enfer au Paradis, gardent jusqu’à nos jours la mémoire.