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PARIS-VENISE, 1887-1932
La folie vénitienne dans le roman français de Paul Bourget à Maurice Dekobra
BASCH SOPHIE
Les études concernant l'image de Venise dans la littérature européenne ne se comptent plus. Curieusement, la multiplication de ces essais ne s'est accompagnée d'aucun renouvellement du corpus : on a invoqué le témoignage des mêmes auteurs, du XVIe au XXe siècle, on a questionné les mêmes textes. La recherche s'est trouvée tributaire de cette stagnation. Tandis qu'on passait les récits de voyage au crible, on ignorait les romans, les nouvelles, situés à Venise. Or, entre le dernier quart du XIXe siècle et l'entre-deux-guerres, on assiste à une spectaculaire floraison des récits évoquant cette ville où l'on voyage moins qu'on y séjourne, périodiquement, rituellement. Romans anglais, allemands, italiens mais surtout français. C'est d'un véritable établissement de la fiction qu'il s'agit, révélateur de l'engouement des écrivains pour une cité où le snobisme, essentiellement parisien, s'épanouit chaque automne suivant des itinéraires thématiques et géographiques bien particuliers. Dans cette perspective, les pages vénitiennes d'Albertine disparue apparaissent comme la chevelure d'une comète largement inexplorée. Aucun ouvrage sur Venise n'a encore pris en compte les textes dont il est question ici. Tantôt illustres, les auteurs de ces fictions vénitiennes sont pour la plupart ignorés, oubliés, voire méprisés. Seul l'examen de leurs textes permet cependant de mesurer l'importance d'un phénomène capital pour l'appréhension littéraire d'une ville trop souvent réduite à un cortège de préjugés immuables : la "folie vénitienne", engouement dont l'apparente futilité masque mal l'angoisse d'un monde qui refuse de croire à sa fin.